De l’autre côté du miroir
Exposition Amina Benbouchta
De l’autre côté du miroir, un univers étrange et paradoxal s’étire et se déploie entre les murs et le sol. De l’autre côté du miroir, des créatures lointaines, comme autant de rêves qui échappent à la réalité, côtoient des formes-objets à la fois familières et imprécises. Une enseigne lumineuse, motif d’un quadrilobe aux contours indécis, palpite au rythme d’un cœur qui bat et donne le signal... Celui d’un danger imminent ou le simple avertissement de l’entrée dans un Ailleurs ? Et d’ailleurs, d’où vient cette forme, récurrente jusqu’à en devenir symbolique, qui peuple dessins et peintures ? De quelle forme de vie émane-t-elle ? A quoi donnera-t-elle naissance ?
C’est peut-être une cellule en évolution de ce kangourou immaculé qui s’invente reine blanche sur un échiquier rouge... Ou alors un de ces lapins en robe du soir - tout aussi blanc - qui trône en lévitation entre une chaise roulante et un corset médical, entre un bonnet d’âne et un soldat de plomb... Un corps en devenir, l’embryon d’une possible existence... En tout cas, la pièce d’un puzzle que l’artiste invente, compose et assemble. Installations, dessins et peintures, sont pensés comme autant de jalons, de colporteurs d’absolu, qui flirtent en équilibre fragile entre non-sens, poésie, sclérose et rémission... Des formes blanches, comme rapidement esquissées, qui émergent de fonds gris parfois teintés de couleurs hybrides ; des entrelacs de lignes et de formes rouge sang qui viennent en superposition, à la fois en souligner et en brouiller la perception, et jusqu’à déborder sur le mur et le sol...
Nous sommes entrés dans un univers énigmatique, peuplé de « personnages picturaux », un répertoire de « motifs-objets », de « motifs-êtres » qui parfois s’émancipent jusqu’à sortir de l’espace cadré du tableau ou du dessin. Un univers qui n’est pas sans évoquer celui dans lequel se plonge l’Alice de Lewis Carroll lorsqu’elle se lance à la poursuite effrénée de l’énigmatique lapin en quête de temps et traverse, justement, le miroir... Un monde à la fois onirique et troublant qui semble se composer et s’offrir à nos yeux en même temps qu’on y pénètre et en même temps qu’il nous pénètre...
© Florence Renault-Darsi, commissaire de l'exposition, janvier 2011