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Sans motif apparent 

Exposition Artothèque de Schiedam, Pays-Bas

"Sans motif apparent", mais il s'agit bien d'un travail autour du motif, dans son sens le plus étendu, qui sous-tend les différents travaux proposés dans cette exposition : le motif comme élément de répétition, d'une forme, d’une image, d’un objet, voir même d'une matière… le motif comme symbole, icône, figure récurrente… le motif comme sujet décoratif, redondant et mnémonique. 

Avec Hassan Darsi, le motif se fait d’abord matière : la dorure - élément récurrent de ses installations - investit le mur, les objets, devient sujet en même temps qu’elle se donne à voir et qu’elle donne à voir ce et ceux qui s’y reflètent. Le papier adhésif doré devient le support d’une image emblématique sérigraphiée, que l’artiste utilise et multiplie comme un motif de papier peint. La dorure confère alors à ce «papier peint» une préciosité et une force symbolique plus proches de la peinture d’icône que du quotidien auquel il se réfère. La peinture noire devient motif - de prédilection - dans les travaux de Rachid L’Mouddene. Appliquée méticuleusement et régulièrement au pochoir, elle vient soustraire au regard les photographies et la peinture blanche. Les panneaux se superposent, le noir et le blanc s’affichent et s’effacent, le cadre souligne - à la manière d’un gros plan - la «Rature». C’est qu’ici, il est plus question de masquer, de «corroder» l’image que de la mettre en exergue. Dans les installations de Mohamed Fariji c’est le geste lui-même qui se démultiplie pour s’afficher. Ainsi, l’utilisation répétée d’une même forme induit une sorte de « simili similitude » et ses spirales de terre semblent à la fois identiques et rigoureusement différentes. La multiplicité tend à faire disparaître la dimension « artisanale» de la sculpture, dans son statut  iconique d’œuvre d’art, en imposant une récurrence propre à l’objet manufacturé.

 "Sans motif apparent", car rien n'est prétexte dans les œuvres de ces artistes, ni les matériaux utilisés, ni la technique... ni le motif ! Chaque œuvre est empreinte tant de l'histoire intime que de l'identité culturelle de chacun.  Ainsi, lorsqu’Hassan Darsi greffe au papier adhésif doré une image-icône, le «motif » choisi est issu d’une réalité quotidienne intime : une photographie de famille. Le crépi qui habille le bas du mur de dorure est la réminiscence d’un souvenir d’enfance : les maisons des quartiers populaires étaient ainsi revêtues d’un crépi à mi-hauteur pour empêcher les enfants de crayonner sur les murs. Les bandes noires des « Rature » de Rachid L’Mouddene, qui ponctuent l’espace de ses tableaux-objets comme les motifs redondants d’une trame, habitent ses travaux de façon obsessionnelle - ne dit-il pas d’ailleurs qu’il voudrait « tout raturer »… Mohamed Fariji s’investit physiquement dans chacune de ses œuvres comme s’il s’agissait d’une extension de lui-même. Il pétrit la terre, le mortier, passe trois heures à enrouler une spirale au crayon sur une feuille de papier… chaque travail est un jalon qu’il pose dans son histoire et lorsque l’œuvre s’écroule - comme cet isoloir en terre construit une nuit d’hiver casablancais exceptionnellement rigoureux - il en marque l’emplacement avec un piquet… un drapeau.

« Sans motif apparent » parce que derrière toutes ces œuvres est une individualité, une présence marquée d’histoire(s), une raison d’être qui prend sa source dans un inconscient à la fois intime et collectif… parfois même dans les images déversées par une télévision omniprésente - «New Babel» - qui trône dans nos salons.

© Florence Renault

(In catalogue de l'exposition « Sans motif apparent », Artothèque de Schiedam, Hollande, Novembre-décembre 2001)

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