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Une mise en œuvre de la surface… et inversement

Hassan Darsi

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Il y a dix ans, en 1999, Hassan Darsi initiait un travail avec et autour de l’adhésif doré qui suit depuis une évolution rythmant les différentes étapes et mutations de son parcours d’artiste. 

 

Des premières applications de « dorure » - interrogeant simplement le reflet ou badigeonnée de blanc d’Espagne[1] en attente de possibles interventions du visiteur - aux objets momifiés dans l’adhésif doré, c’est tout un monde de perceptions et de décalages que l’artiste développe et questionne. Ainsi, par le simple recouvrement de la dorure, il fait d’objets usuels et abandonnés aux confins de notre quotidien des « totems » de la banalité. Réinvesti, « re-designé » par l’adhésif doré, l’objet se « dessine » une nouvelle existence, se joue de la préciosité que lui confère « l’or » de sa surface et brouille nos repères visuels ordinaires. Une télévision vieillissante se réinvente alors une vie de New Babel[2] au lendemain du 11 septembre ; une poupée abandonnée[3], récupérée dans une poubelle de Beyrouth, devient une créature aussi inquiétante que fascinante ; une chaise de jardin en plastique[4] se redécouvre trône de pacotille… Hassan Darsi détourne les mécanismes universels qu’engendre immanquablement la couleur dorée, en même temps qu’il interroge notre regard, celui que nous portons et celui que nous ne portons plus sur les choses de la vie. C’est ce qui sous-tend le travail de l’artiste, lorsqu’il transpose la réalité à l’échelle d’une maquette[5], lorsqu’il juxtapose des portraits anonymes[6] le long d’un mur de chemin de fer, lorsqu’il recouvre de dorure la façade d’une célèbre galerie d’art casablancaise[7] ou qu’il s’invente un Off des élections[8]... 

 

Lorsqu’on lui propose début 2008 de réfléchir à un projet d’art urbain pour le festival de Casablanca, il envisage aussitôt de réinvestir le « Globe Zevaco », surplombant de sa majesté usitée un ancien passage souterrain jadis animé et fermé depuis longtemps, faute d’entretient. L’adhésif doré sera là encore le matériau de la « mise en œuvre », le « couronnement » d’une action, bien sur éphémère, mais porteuse d’une possible réhabilitation du lieu. Le passage de la modernité [9]– une référence à la situation du site, entre l’ancienne médina et la ville moderne, en même temps qu’un clin d’œil aux nombreux architectes étrangers qui ont fait de Casablanca leur terrain d’expérimentation – verra le jour sous la forme d’une maquette, restituant l’architecture de Zevaco et projetant l’intervention à l’adhésif doré de l’artiste. La réalité préférera quand à elle se passer de Hassan Darsi et ne garder du projet que l’idée, réinvestie formellement dans un badigeonnage de peinture cuivrée. De ce pillage d’idée, ne resteront que quelques articles de presse, soigneusement conservés par l’artiste, dans l’attente d’une potentielle « ré-exploitation ». Le passage de la modernité prendra alors une nouvelle dimension (politique) à travers l’histoire d’un projet spolié et sa mise en « situation artistique ». Car c’est bien là où se situe le travail de Hassan Darsi, dans une invitation sans cesse renouvelée à revisiter notre réalité, notre histoire, notre quotidien… Dans une attitude artistique qui utilise la forme pour mieux en jouer.

OFF des élections[10] est justement né de cette « attitude » et de cette aptitude de l’artiste à chercher l’indicible dans le commun, dans un projet artistique qui, dans sa structuration même, pourrait s’apparenter à un « réservoir » de ce qui compose le travail de l’artiste - comme de ce qui en est prétexte - depuis ces dix dernières années.

 

Le travail de Hassan Darsi est une œuvre en mouvement, interdépendante d’un processus obéissant tant à des contraintes de présentation, d’espace, de circonstances, qu’aux évolutions du projet lui-même dans la démarche créatrice. Une « mise à l’échelle »[11] qui peut épouser tant les besoins d’un projet que les prises de position parfois radicales de l’artiste dans des contextes de résistances. Une « mise à l’échelle » qui permet de rendre visible ce qui ne se voit plus ou pas, qu’elle s’opère par la miniaturisation, avec Le projet de la maquette ; par l’agrandissement démesuré d’une dent de sagesse récemment arrachée[12] ; ou encore en dérobant au regard (pour mieux souligner), avec la performance 100% invendu[13] qui explore les limites des artifices de l’exposition, et les actions « point zéro »[14] qui questionnent celles de la perception. Une mise en exergue ou une mise en abîme de la surface, faire disparaître ou faire apparaître… C’est ce qui se joue dans les « superpositions » de Hassan Darsi, qu’elles opèrent par la dorure, la photographie, le texte, le son, l’image, l’objet, ou la cohabitation de tout ces « subterfuges »… Un « chantier » ouvert qui cherche finalement plus à créer des situations artistiques qu’à en produire des formes ; un travail qui déplace le champ de l’art là où on ne l’attend pas.

© Florence Renault (juin 2009)

[1] - Exposition Regards nomades, FRAC Franche-Comté, Dole. 1999.

[2] - New Babel. 2001.

[3] - Let’s talk architecture, Beyrouth. 2005.

[4] - Golden chair, Cap Town. 2003.

[5] - Le projet de la maquette. Février 2002-mai 2003.

[6] - Faces. Passerelle artistique V. Parc de l’Hermitage. 2006.

[7] - Galerie Venise Cadre. Casablanca. Décembre 2007.

[8] - Février-mars 2007.

[9] - Février 2008.

[10] - Février-mars 2007.

[11] - Dixit Hassan Darsi

[12] - Dents de sagesse, 2009.

[13] - Performance à la Villa des Arts, Casablanca, Maroc, décembre 2004.

[14] - Projets pour les villes de Malines (Belgique) et Thessalonique (Grèce), 2009

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